samedi, décembre 16, 2023

Gardien du temple





Loin de moi l'idée de troubler cet esprit de Noël qui nous envahit tous, 

mais l'heure, sans être grave, 

est à la mélancolie. 

Un anniversaire. 

21 années écoulées, jour pour jour, depuis ce brusque départ. 

Et le souvenir toujours intact de Pipo, ce frère musicien qui s'endormit sur le comptoir d'un bar de nuit, au creux de la vallée. Sans raison. Sans prévenir. Un dernier verre après un ultime concert. Les instruments dans le coffre. Le verre de l'amitié pour clore la soirée. Un dernier verre. 

Il n'y en aura pas d'autre.

Il s'en est passé des choses, ici bas, depuis toutes ces années. Tu imagines bien, fratello mio.

Remarque, si le paradis des musiciens existe, tu as eu de belles surprises cette année encore. 

Tu as vu: 

les Irlandais ont pris la tangente. 

Sinéad O' Connor, suivie de Shane MacGowan. L'Irlande nous était chère. Nous avions foulé le sol de ses bars ensemble. 

Mais ici un départ a été plus dur que les autres. 

Cette année nous a enlevé celui qui avait mis le feu aux poudres. 

La tête de proue de notre premier groupe. Bloc 96. 

Fin des années 70.

Il était le dernier des Mohicans. 

Notre Ginger a rendu l'âme. 

Cette âme cabossée,

qui nous avait montré le chemin dans ces années de braises, de sang et de sueur. 

Le premier groupe punk de l'histoire de cette vallée industrielle de la Fensh.

Punk, il l'était. 

Plus intensément que tous. 

Les concerts, avec lui, devenaient des combats. Du sang, de la sueur. aucunes larmes. 

La rage. 

Vous voilà réunis. Rol à la basse, Ginger au chant, et toi à la guitare, fratello mio.

Bloc 96, presqu'au complet.

Vous ne m'en voudrez pas, mais je ne souhaite pas vous rejoindre encore.

Il faut bien quelqu'un ici bas pour entretenir et honorer votre mémoire mes amis, mon frère.

Et puis il me reste encore quelques enfants à accompagner. Le temps nécessaire.

Ils ont l'âge que nous avions quand nous nous sommes rencontrés.

Mais ils semblent plus sereins. 

Loins de nos préoccupations de l'époque. Loins des usines, de l'ennui, et de cet avenir terne, pour seule promesse. 

Loins de cette révolte qui nous animait et qui transperçait nos instruments, chaque week-end, sur des scènes improbables.

Et pourtant je leur souhaite de vivre, ne serait-ce qu'une heure, le bonheur de cette jeunesse là. 

No future. 

Notre présent. 

Intense.

Vous me manquez mes amis. 

Tu me manques mon frère adoré.

Je termine ce que j'ai à faire, et je vous rejoins. 

Préparez la foudre, et les pansements. Cette réunion sera terrible. 

Une belle bagarre. A crever les tympans de tous les saints et diables réunis.

Je vous aime 

un peu seul, ici bas

de tout mon coeur

tant qu'il bat













jeudi, janvier 12, 2023

FEEDBECK


1944-2023

Un monarque s'est éteint

Geoffrey Arnold Beck, dit Jeff Beck

(photo:Paul Natking)

«Cela peut nuire, probablement. Mais je ne suis pas le genre d’artiste à peindre la même nature morte tous les jours. La guitare permet un nombre infini de variations. Elle n’a jamais le même son. Tout dépend de la façon dont vous la touchez. C’est un instrument magique, j’essaie d’en explorer toutes les possibilités» (Libération. 2021)